Avant de s’inscrire dans un dojo…

Pourquoi choisir l’aïkido ?

Aikidō, ou 合気道 ou あいきどう (trois écritures japonaises) est un budō 武道. Littéralement, en japonais un budō est une « voie guerrière » que l’on traduit généralement par art martial.

Dō 道 signifie chemin, voie, au sens propre (chemin, route, voie…), comme au sens figuré (voie spirituelle). L’idéogramme Bu 武 représente une main et une lance, la main qui tient… ou arrête la lance. Il désigne ce qui relève de la guerre dans de nombreux mots japonais.

Un budō est une voie de développement personnel, basée sur des principes techniques mais aussi moraux et spirituels issus des pratiques et des codes éthiques (bushidō 武士道) des arts martiaux anciens (kobudō 古武道) parmi lesquels ont trouve, outre les plus connus (judo, karate, kendo, aïkido), l’iaidō 居合道 (art de dégainer) ou encore le kyūdō 弓道 (voie du tir à l’arc).

Mise au point importante : un budō n’est pas un sport !

En France, pour des raisons historiques qu’il serait trop long d’exposer ici, les budō, donc l’aïkido, sont administrativement rattachés aux instances gouvernementales qui régissent le sport. Pourtant, dans les budō traditionnels, il n’y a aucune compétition… si ce n’est contre soi-même. Cela peut égarer une personne qui pense s’inscrire à une activité sportive et qui, de surcroit, n’a pas connaissance de l’état d’esprit qui prévaut dans l’étude d’un budō. Certains budō (judo, karaté, kendo…) devenus sports de combat, s’ils ont jadis fait partie des kobudō, ont plus ou moins perdu l’esprit du budō en intégrant la compétition. (À ce sujet, voir : TRADITION MARTIALE JAPONAISE [bujutsu, budō, sports de combat], dans la rubrique « culture » sous l’onglet Japon).

Cela étant dit, une fois évacué le côté non compétitif, donc non sportif, qu’est-ce qui peut motiver la pratique d’un budō et en particulier de l’aïkido ?

Assurer son auto-défense ?

C’est sans doute la première et la plus fréquente des motivations.

Tout d’abord, au risque de dérouter, un budō n’a pas pour vocation d’être efficace en combat de survie (chez les animaux, la prédation ; chez l’homme, actes de guerre, terrorisme, assassinat…). Ceux qui prétendent le contraire, non seulement vous mentent… mais vous mettent potentiellement en danger.

Les bushi 武士 (guerriers japonais, ~VIIIe – fin XVIe siècle) puis les samurai 侍 (début XVIIe – fin XIXe siècle) s’entrainaient pendant au moins trois ans, tous les jours, 10 à 12 heures et plus par jour avant d’être opérationnels, avec surtout l’idée d’apprendre… à mourir dignement.

En outre, après la Deuxième Guerre Mondiale, la pratique des arts martiaux japonais fut un temps interdite par les forces d’occupation américaines qui la considérait, à juste titre, comme un des piliers du nationalisme japonais (un autre étant le Shinto, religion originelle du Japon). Elle fut à nouveau autorisée au début des années 1950… à condition d’évacuer l’aspect purement guerrier.

Il faut également garder à l’esprit que si, dans les régimes démocratiques, on peut pratiquer librement un budō, il y a évidemment des limites légales (loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, légitime défense, etc.). Dans les régimes totalitaires, l’étude des arts martiaux est souvent interdites aux civils.

Enfin, soyons honnête (et réaliste…). Aucune discipline martiale ni méthode de défense ne permet de réagir efficacement au bout de quelques mois… en pratiquant seulement quelques heures par semaines !

Il convient également de rectifier une autre idée reçue. L’aïkido n’est pas un « art martial défensif ». Toute défense censée répondre à une attaque aléatoire arrive souvent, pour ne pas dire toujours… trop tard. Pour cette raison, aucun art martial n’est uniquement défensif.

Cela ne veut pas dire que l’aïkido soit offensif. L’aïkido fait plutôt écho à cette locution latine : Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre) malheureusement souvent interprétée comme une course effrénée à l’armement. L’aïkido se situe dans un juste milieu qui consiste à anticiper, voire initier l’attaque pour s’unir avec, plutôt que de s’y opposer.

Au début, cela peut sembler irréaliste. Les formes d’étude pré-arrangées paraissent inapplicables en situation réelle. L’enseignement met autant l’accent sur l’aspect mental que sur les aspects technique et physique. De plus, l’aïkido met un point d’honneur à respecter l’intégrité de soi-même (ne pas se mettre en danger) et du partenaire/adversaire (ne pas blesser).

Il ne faut cependant pas conclure hâtivement que cela ne sert à rien. L’aïkido est plus que suffisant en combat rituel (chez les animaux y compris l’homme, pour un territoire ou un(e) partenaire sexuel(le), auquel s’ajoute, uniquement chez l’homme, les querelles d’égos…).

Hélas, l’homme étant ce qu’il est, de nos jours certains combats qui devraient être rituels deviennent des combats de survie ; présence d’une arme ou attaques simultanées (selon l’adage qui veut que « plus il y a de cerveaux, moins il y a de neurones »…). Dans ces cas, si c’est encore possible, il est plus utile de courir vite…

Pourtant, la pratique régulière des techniques de contrôle (osae) ou de projection (nage) et, à l’inverse, l’aptitude à recevoir ces techniques ou à gérer ces projections (ukemi) développent une confiance en soi qui finit par émaner. On apprend à mieux se respecter, première étape pour mieux respecter autrui… et, en retour, inspirer le respect.

Évidemment, cela ne fonctionne que si l’on s’impose une discipline personnelle et une pratique assidue dont découleront une sérénité et un caractère équilibré qui ne peuvent mener à aucun conflit.

La véritable auto-défense ne doit laisser place à aucune violence. Convaincre vaut mieux que vaincre. Répondre à la violence par la violence ne fait que l’entretenir, voire l’accroitre, sans jamais l’éradiquer.

Pratiquer une activité sportive ?

Prendre soin de soi à travers une pratique sportive est également une motivation dans l’air du temps.

Une fois admise l’idée que l’aïkido n’est pas un sport, qu’il n’y a pas de compétition et qu’on n’y éprouve pas du tout les mêmes sensations physiques (ni les mêmes douleurs…) que dans des sports traditionnels, force est de constater que c’est une activité physique qui n’a rien à envier aux sports.

La pratique de l’aïkido va progressivement forger un physique polyvalent alliant souplesse, rapidité et puissance. Les os vont se renforcer, les articulations vont s’assouplir et un physique harmonieux va se développer. Une parfaite coordination des mouvements va assurer la précision des gestes. Le travail sur la respiration va contribuer à améliorer la condition physique. À plus forte raison s’il est associé à une bonne hygiène de vie, facultative mais fortement conseillée.

Le mental n’est pas en reste, qui va profiter du développement des capacités physiques pour se renforcer. Le pratiquant d’aïkido va, au fil du temps, développer disponibilité, performance et polyvalence et ce, dans tous les domaines.

Tout cela sans aucune limite d’âge contrairement à la plupart des sports dits « de haut niveau »…

Nouer un lien social ?

Faire partie d’un groupe, rencontrer des gens peut être une motivation.

Une particularité de l’aïkido est d’être une activité à la fois individuelle et collective. On y travaille essentiellement sur soi et pour soi, mais les autres nous sont indispensables. On est amené à travailler avec des gens qu’on aurait sans doute jamais abordés en dehors du dojo. Qui plus est, les contacts physiques sont obligés. Cela crée une relation particulière où l’on finit par se connaître et se respecter mutuellement.

Renforcé(e) par la rigueur d’une expérience commune et par le combat contre son ego, et pourvu qu’il (elle) gagne ce combat – sans doute le plus difficile, un(e) pratiquant(e) d’aïkido finit par devenir quelqu’un d’un abord bienveillant. Le besoin d’élever constamment son niveau en fait une personne intéressante, enrichissante et ouverte aux autres.

Compléter un intérêt culturel pour le Japon ?

Cette dernière motivation concerne les personnes attirées intellectuellement et culturellement par le Japon.

Manga, Japan pop musique, jeux vidéo, littérature, cinéma, nourriture, mode de vie japonais sont de plus en plus prisés. Il y a aujourd’hui un rêve japonais comme il a pu y avoir un rêve américain.

En témoignent Japan Expo et autres manifestations, qui attirent chaque année un public de plus en plus nombreux et varié.

Si le dojo occidental ressemble souvent plus à une salle de sport sans âme où l’on ne fait que passer qu’à un dojo traditionnel japonais où l’on aimerait s’investir, même en dehors des heures de cours, l’important est ce qu’on y apprend. Comme disait Tamura sensei : « On porte le dojo dans son cœur, faisant ainsi de n’importe quel lieu un dojo. »

À l’inverse, ceux qui n’ont pas cette motivation, s’ils s’accrochent, vont très vite ressentir le besoin d’approfondir leurs connaissances pour comprendre ce qui est et fait le berceau de l’aïkido, à savoir, le Japon et la culture japonaise.

Alors, motivé(e) ?

La meilleure des motivations serait de ne pas en avoir, si ce n’est celle de pratiquer.

Seule une pratique approfondie, c’est-à-dire désintéressée, régulière, sur du long terme, apporte la preuve que l’aïkido répond à toutes ces motivations et bien plus.

Mais attention ! Les réponses se trouvent dans une dimension d’autant plus profonde que l’approche en aura été superficielle. Fréquenter un dojo en touriste n’apporte absolument rien.

Avoir une attitude de consommateur (je paye donc on me doit quelque chose, je viens quand j’en ai envie…) est sans doute la posture la plus frustrante qui soit. La déception sera d’autant plus grande et l’abandon plus rapide.

La technique ne s’achète pas. La maîtrise encore moins. Toutes deux ne s’acquièrent que par une pratique assidue. Un proverbe japonais du budō résume bien cela : « Mille jours pour apprendre. Dix mille jours pour maîtriser. Une fraction de seconde pour mourir. » À méditer…

Comme il est dit plus haut, dō (aikidō, budō, etc.), signifie littéralement voie. Cela est à prendre au sens propre ! C’est un chemin sur lequel on va progresser dans les deux sens du terme : avancer et s’améliorer.

Avancer de façon continue, sans but. Quand, consciemment ou non, on se fixe un but, on fixe une limite au-delà de laquelle on n’ira jamais.

S’améliorer, c’est-à-dire s’élever à mesure qu’on avance comme si chaque obstacle franchi était une marche d’un escalier virtuel qui mène… à la marche suivante. Comme dit un proverbe tibétain : « Quand tu arrives au sommet de la montagne, continue de monter. » Ces obstacles sont autant de serrures à ouvrir avec une seule clé : le travail sur soi.

Tout cela étant accepté, l’étude et la pratique de l’aïkido provoque chez l’individu un processus intérieur de changement qui va bien au-delà de toute motivation initiale.

Vous voilà prévenu(e). Bienvenue au dojo !